De 2010 à 2014, des groupes de travail se penchent sur le bien-fondé et les modalités d’une application par la France du nouveau code de catalogage international RDA (Ressources : Description et Accès). Ces travaux aboutissent en novembre 2014 à une prise de position nationale par rapport à RDA et au lancement du programme de la Transition bibliographique.
La nouvelle version « beta » de RDA, publiée mi-2018 pour mettre en conformité le code de catalogage international avec le modèle de référence pour les bibliothèques IFLA LRM, a poussé la France à réinterroger sa position. Cette analyse s’est terminée en 2021.
Pourquoi s’interroger sur l’adoption de RDA en France ?
En 2010, les perspectives offertes par RDA pour l’avenir des catalogues de bibliothèques sont très prometteuses. Ce nouveau standard s’appuie en effet sur les Principes internationaux de catalogage publiés par l’International Federation of Library Associations and Institutions ou Fédération Internationale des Associations et Institutions de Bibliothèques (Ifla) en 2009, principes qui mettent l’usager au cœur des préoccupations des bibliothèques. RDA permet une application partielle du nouveau modèle conceptuel de données FRBR, destiné à faciliter l’utilisation des catalogues et les pratiques de recherche.
La France n’est pas la seule à s’intéresser à ce nouveau standard : les bibliothèques du monde entier réfléchissent à son application, et ce bien au-delà de la communauté des utilisateurs des AACR2 (Anglo-American Cataloguing Rules ou Règles de catalogage anglo-américaines). L’Ifla suit également avec attention la création de RDA, et envisage de le recommander comme « code international de catalogage ».
En France aussi, la question se pose : les normes Afnor de catalogage sont organisées par type de ressources. Vieillissantes, de moins en moins adaptées à l’évolution éditoriale des documents, elles sont rendues obsolètes par l’ISBD intégré : ont-elles encore un avenir ? Ne faut-il pas les abandonner et profiter des opportunités offertes par RDA en termes d’insertion des catalogues dans le web sémantique ?
L’adoption de RDA pourrait en effet permettre :
- de suivre l’évolution de la structure de l’information puisqu’il permet de créer des notices correspondant aux entités du modèle FRBR ;
- de faire passer à terme les catalogues de bibliothèques vers une structure de base de données orientée objet et d’assurer par ce biais leur présence sur le web sémantique ;
- d’assurer l’interopérabilité avec les catalogues des bibliothèques étrangères appliquant RDA.
2010-2014 : analyse de RDA et lancement de « RDA en France »
Travaux du Groupe technique d’experts
En 2010, un Groupe technique d’experts est chargé d’évaluer la pertinence et la faisabilité d’une application française de RDA, en tenant compte de la diversité des types de ressources, des notices d’autorité et des catégories d’établissements. Constitué à partir du groupe d’experts CG46/CN357/GE6 « Évolution de la description bibliographique des documents édités » de la Commission générale CG46 « Information et documentation » de l’Afnor, ce groupe de travail comprend des représentants de tous les types de bibliothèques, publiques ou universitaires, spécialisées ou non, ainsi que de leurs ministères de tutelle, des représentants des organismes de formation et des clubs d’utilisateurs de logiciels.
Le groupe de travail organise ses travaux autour des axes suivants :
- l’analyse fine des règles et des différentes options d’implémentation en vue de la définition d’un éventuel « profil français » de RDA ;
- la participation à la traduction française de RDA en collaboration avec le Québec et la Belgique ;
- l’analyse des impacts de RDA sur les logiciels de bibliothèques (cohérence des catalogues, migration des notices existantes, échanges de notices, coûts induits) ;
- la communication et la formation à travers la mise en place de stages et tutoriels pour présenter le modèle FRBR et expliquer les changements dans les pratiques professionnelles ;
- les recommandations pour un calendrier de mise en œuvre de RDA en France.
En parallèle, la France suit attentivement l’élaboration du nouveau code à travers les enquêtes du JSC (Joint Steering Committee for Development of RDA / Comité de pilotage pour le développement de RDA), ces enquêtes étant ouvertes aux communautés qui n’utilisent pas les AACR2. Après une période de réflexion sur la gouvernance, le JSC devient le RSC (RDA Steering Committee / Comité de pilotage de RDA). Si RDA est appelé à devenir le code international de catalogage recommandé par l’Ifla, il importe de faire connaître très tôt l’analyse catalographique de pays non anglo-américains dont la France, afin de faire évoluer les règles sur certains points sensibles (traitement des agrégats dont les périodiques notamment).
Propositions du Groupe stratégique
Parallèlement au Groupe technique, un Groupe de travail stratégique se constitue, qui réunit des représentants de l’Afnor, des ministères de tutelle, des agences bibliographiques, des associations professionnelles et des organismes de formation, et un consultant. Il a pour mission principale de décider de l’adoption ou non de RDA par la France.
Sur la base des travaux du groupe technique d’experts, ce Groupe stratégique affirme que le passage à RDA constitue bien un objectif national à moyen terme. Il décide cependant dès 2012 de ne pas adopter RDA en l’état car d’importants points de désaccord subsistent sur les pratiques de signalement (choix de certains éléments fondamentaux ou « core element », notamment ceux des Expressions, traitement des œuvres musicales ou graphiques, trop grande distance prise par rapport à l’ISBD dans le traitement des titres, éléments de l’entité « Personne » incompatibles avec la culture catalographique française…). La poursuite de l’analyse de RDA au niveau national est toutefois actée, ainsi que l’implication de la France au niveau européen par le biais d’Eurig (European RDA Interest Group / Groupe d’intérêt européen sur RDA).
Un des axes forts de la Transition bibliographique est également posé : réviser l’ensemble des normes françaises de catalogage en se fondant sur RDA et les modèles de l’information bibliographique. La rédaction d’un nouveau code de catalogage RDA-FR : Transposition française de RDA est alors lancée. L’objectif est de définir un profil français d’application de RDA, qui concilie respect de l’analyse française, se voulant plus proche des nouveaux modèles conceptuels FRBR, puis IFLA LRM ; et besoins d’interopérabilité avec le standard anglo-américain à visée internationale.
Décisions du Comité stratégique bibliographique
En 2013, peu avant l’issue des travaux de ces groupes, un Comité stratégique bibliographique (CSB) est créé, associant le ministère de la Culture, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, la BnF et l’Abes. Il a pour mission de prendre les décisions stratégiques sur le nouveau modèle d’organisation et de diffusion de l’information bibliographique en France à un horizon de dix ans, dans un contexte où les technologies du web sémantique ouvrent des perspectives inédites.
C’est donc le CSB qui confirme l’orientation des travaux français par le lancement, en novembre 2014, du programme national Transition bibliographique. Le communiqué officialise également son organisation de travail et sa structuration en trois groupes de travail, ainsi que la création du site Transition bibliographique comme organe de diffusion des ressources utiles issues de ces différentes instances.
Traduction de RDA en français
La traduction française de RDA (à ne pas confondre avec son adaptation pour la France, « RDA-FR ») est, quant à elle, rendue disponible dès 2013 sur le site RDA Toolkit (accessible sur abonnement) et régulièrement mise à jour depuis. Elle est le résultat d’une collaboration entre le Canada (Bibliothèque et Archives Canada, Bibliothèque et Archives nationales du Québec – BAnQ) et la France (Bibliothèque nationale de France) sous le pilotage de l’Asted (Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation).
2018 : RDA révisé, quelle place pour RDA-FR ?
Les travaux de normalisation se poursuivent depuis 2014, avec la publication régulière de chapitres du code RDA-FR, transposés de RDA et adaptés aux pratiques de catalogage françaises. Le code RDA-FR se veut également plus proche des modèles conceptuels FRBR puis IFLA LRM.
Mi-2018, dans le cadre du projet de Restructuration et Refonte du RDA Toolkit (le site de publication de RDA) dit « Projet 3R », le RSC publie une nouvelle version du code RDA, qui apparaît d’abord comme un simple changement de forme avant de s’avérer, après analyse au sein du groupe de normalisation du programme Transition bibliographique, un renouvellement complet du socle du standard RDA. Le RSC a en effet voulu rendre le code de catalogage entièrement conforme au modèle IFLA LRM et a publié une ontologie complète en libre accès (RDA Registry). Cette révision aussi bien formelle qu’intellectuelle permet de résoudre un certain nombre de désaccords fondamentaux qui avaient été établis par les groupes nationaux ayant analysé la première version de RDA entre 2010 et 2014.
Bien engagée dans le processus de rédaction du code de catalogage national RDA-FR, la France peut cependant envisager les modalités d’un rapprochement avec le standard international RDA. Le groupe de travail « Normalisation » du programme Transition bibliographique a ainsi été mandaté pour analyser l’interopérabilité entre RDA « révisé » (ou RDA « 3R ») et RDA-FR. Un rapport a été soumis en 2021 au Comité stratégique bibliographique.
Date de la dernière modification: 1 février 2022